Derrière les barreaux d'une
solide cage,
Un joli singe roux, silencieux et sage,
Regarde
défiler les badauds du dimanche.
Il tient entre ses mains une petite branche
Qu'il suçote parfois,
d'un geste machinal,
Et suit d'un oeil éteint cet étrange animal,
Qui
s'étonne à grands cris, se tape sur la tête,
Fait des tas de
grimaces, lance des cacahuètes.
Il ne comprend pas bien ce qu'on attend de lui.
Pourquoi,
depuis des jours, on l'a cloîtré ainsi,
Sans lui avoir laissé
la plus petite chance,
Trop loin de son pays et de ses différences.
Alors il se souvient de son enfance douce,
Des ébats partagés
et libres dans la brousse,
De l'amère saveur des branches de
feuillage,
Des repas succulents au goût des fruits sauvages,
De
la bonne chaleur du giron maternel,
Des jeux, des rêves bleus
sous la voûte du ciel.
Soudain le grand filet qui s'abat sur son dos.
Le voyage épuisant,
la cage dans le zoo,
Le grand déchirement, l'immense solitude,
La
révolte, et enfin, la fatale habitude,
L'espace trop étroit pour
les jeux quotidiens,
La pitance apportée par son gentil gardien,
La
foule, agglutinée devant lui qui se cache.
Ah ! Qu'il voudrait qu'un jour, juste un instant, ils sachent
Ce
que c'est que d'avoir perdu la liberté,
Tout espoir en ce monde,
et toute dignité.
Alors comprendraient-ils, tous ces gens qui se pressent,
Pourquoi
le petit singe, éperdu de tristesse,
Fatigué d'amuser ces stupides
badauds,
Sans plus s'occuper d'eux, leur a tourné le dos ?
Renée
Jeanne Mignard