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Un jour, dans le jardin,
l'oeillet dit à la rose: "J'ai beaucoup, sachez le, à me
plaindre de vous. Vous me faites grand tort, et
permettez que j'ose Vous dire les raisons de mon
juste courroux.
Votre puissant parfum me donne
des complexes. Il est si pénétrant qu'on ne
sent plus le mien. Tout le monde m'ignore, et ce
dédain me
vexe. C'est à cause de vous que je ne
suis plus rien.
Près de moi jamais plus les
enfants ne s'arrêtent. C'est vers vous, chaque jour,
qu'ils conduisent leurs pas. Je suis si malheureux que je
n'ai plus ma tête. Si cela continue, je n'y
survivrai pas".
-Mais mon petit ami, lui
rétorqua la rose, De quoi vous plaignez-vous? Vous
n'êtes qu'un oeillet! Je suis reine des fleurs, et
telle je dispose. Vous n'êtes après tout que l'un
de mes sujets. Allez porter ailleurs votre
méchante mine. Prenez garde à ne pas aviver mon
courroux. Sinon, craignez le feu de mes
longues épines, Bien faites pour punir les
fâcheux comme vous".
L'oeillet pleura longtemps. Mais
à l'aube suivante, Alors que la rosée se mêlait à
ses pleurs, Il n'en crut pas ses yeux, car
brisée, pantelante, Toute nue à ses pieds gisait la
reine fleur.
Un coup de vent avait dépouillé
l'orgueilleuse, Ses pétales en
sang,empourpraient le gazon, Et l'oeillet généreux,
plaignant la malheureuse, A la reine déchue accorda son
pardon.
Le jardin sommeillait au soleil
triomphant. Dans le bourdonnement des
abeilles en fête, On entendit la voix légère d'un
enfant: "Maman ,comme il sent bon, cet
oeillet de poète"
Renée Jeanne Mignard
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